Je vrac, tu vrac, il vrac. Depuis quelques années, les enseignes de grande distribution sont de plus en plus nombreuses à avoir installé un rayon vrac. De fruits et légumes ? Non, pas que. Comme les magasins spécialisés vrac, les supermarchés proposent désormais légumes et fruits secs, riz, pâtes, céréales… mais aussi des produits de grandes marques bien connues. Nestlé, Panzani, Carte Noire et d’autres proposent désormais leurs produits au poids.
Comment et pourquoi les géants de la grande consommation se sont mis au vrac ? Le Kaba a enquêté sur ce phénomène naissant.
Polina Tankilevitch - Pexels
Le succès du vrac dans les commerces spécialisés
Avec l’intérêt croissant des Français pour l'environnement, le vrac s’est largement développé ces dernières années. Aujourd’hui, 4 français sur 10 consomment du vrac et parmi eux, plus de la moitié achète du vrac au moins une fois par mois 1 ! Ce qui était encore rare il y a quelques années est devenu un comportement d’achat régulier pour de nombreux français.
Il faut dire que le vrac a de nombreux avantages… Cette méthode s’inscrit dans une démarche zéro-déchet et permet de faire des achats plus écologiques. Les aliments sont en libre service. On actionne la manette pour les faire tomber dans son sac à vrac ou son sachet papier, avant de passer à la caisse pour les payer au poids. Bénéfice immédiat : on limite drastiquement les emballages.
Ensuite, le vrac permet de manger plus sainement. Les aliments sont nettement plus frais que les aliments emballés, et ont pour avantage de ne pas avoir été exposés au plastique, qui peut contenir des substances classées cancérigènes. Enfin, le vrac est une solution économique car elle permet d’ajuster les quantités. Ce qui évite de gaspiller des aliments qu’on n’aurait pas eu le temps de manger !
Cette tendance du zéro-déchet a fait fleurir dans les magasins des nouvelles solutions pour consommer. Bocaux en verre et distributeurs en tous genres ont pris leur place dans les étagères des petites épiceries et magasins spécialisés. Les fruits et légumes, les aliments secs, les confiseries, mais également le shampoing et la lessive, tout ou presque se trouve en vrac ! Pour les produits de beauté et produits ménagers liquides, les commerces ont même mis en place des systèmes de consigne. Les clients sont invités à acheter leur récipient (tube, pot, bocal) la première fois et à revenir en boutique pour le recharger une fois le produit fini.
Parce qu'on ne vend pas du vrac comme on vendrait un autre produit, les magasins de vrac ont décidé de se regrouper au sein d'un mouvement qui s'appelle Vrac'n Co. Une véritable communauté d’épiceries indépendantes qui partagent les mêmes valeurs : une consommation plus responsable, une démocratisation du vrac, des produits de qualité, des fournisseurs transparents sur l'origine des produits,…
Si vous voulez vous rendre dans l'une d'elles, sachez que toutes les épiceries vrac de Vrac'n Co sont référencées sur notre cartographie des commerces proposant du bio, du local et du vrac.
Les grandes enseignes se réorganisent
A mesure que le vrac s'impose comme nouveau mode de consommation, les commerçants s'organisent. Les épiceries indépendantes de vrac se sont par exemple regroupées sous l'étendard de Vrac'n co (voir encadré).
Quant aux grandes surfaces, elles aussi ont dû revoir leur offre. À leur tour, elles bousculent leurs rayons pour intégrer des distributeurs de produits vrac.
En février dernier, Franprix a monté un projet pilote baptisé “les marques toutes nues”. Le groupe a installé dans quatre de ses boutiques des dispositifs de vrac, permettant d’avoir une trentaine de références de produits sans emballage. Pour pousser l’expérience client encore plus loin, Franprix a investi dans un système permettant de connaître directement le prix de son sachet. C’est ce que Franprix appelle le “smart vrac”. Des trémies “intelligentes” permettent de peser les quantités versées et informent directement le client du montant de son achat.
Monoprix fait lui aussi la part belle au vrac avec son nouveau concept de “comptoir”. Le projet, lancé en janvier 2020, a pour objectif de transformer les entrées du Monop’ en bar à vrac. Un premier test a été réalisé sur l’un des magasins du groupe, situé rue St Maur, dans le 11ème arrondissement de Paris, et devrait bientôt se déployer à 10 autres magasins. Un long rayon vrac, mais aussi un comptoir à salades et un comptoir de plats chauds sont prévus pour inciter la clientèle à acheter sans emballage. On y vient chercher son thé, ses graines en vrac mais aussi son plat, que Monop’ nous sert directement dans notre lunch-box.
Autant d'initiatives qui deviendront bientôt des obligations ! C'est en effet l'un des articles de la Loi Climat et Résilience, votée le 20 juillet 2021. Les commerces de plus de 400 m2 auront l'obligation de proposer au moins 20% de vrac d’ici janvier 2030.
Les marques suppriment leurs emballages
Côté marques alimentaires aussi, on a pris le virage du vrac. Les premiers à avoir franchi le pas : les marques de café ! Méo et Cozic ou encore le torréfacteur Lobodis ont été pionniers dans l’offre en vrac dans les grands supermarchés. Ensuite, le café s’est fait emboîter le pas par des acteurs majeurs de la grande consommation comme Kellogg’s et Nestlé. Après avoir testé plusieurs corners de vrac, Kellogg’s a récemment installé son premier bar à céréales au cœur du rayon petit déjeuner de six magasins Intermarché et dans des magasins de la franchise spécialisée Day by Day.
Un autre exemple de marques engagées dans la démarche : Babybel ! La marque de fromage aux petites coquilles de cire ambitionne de devenir “le premier fromage de marque vendu en vrac”. Babybel a supprimé ses emballages en cellophane et a adapté ses process pour produire en plus petite quantité. Lorsque l’on voit les allées de fromage industriel désertées et les queues s'allonger devant le fromager, on se dit que ce choix est plutôt sensé !
Enfin, la beauté se met elle aussi au vrac. La marque Cozie, notamment, a développé une machine permettant aux clientes de Day by Day de fabriquer leur propre crème hydratante, dans des pots en consigne.
Les défis du vrac
Lancées dans une course effrénée à celle qui aura le plus de “points vrac”, les grandes enseignes en oublient presque l’enjeu que représente le développement de cette nouvelle offre. Malgré un développement rapide et une tendance bien accueillie par la population, certains commerces se demandent même s’ils vont garder leurs espaces dédiés au vrac. Car en réalité, le vrac représente un vrai fardeau pour la gestion de la chaîne alimentaire. Cette mutation nécessite de repenser toute la chaîne et exige de modifier les équipements des usines, ce qui représente des investissements considérables.
Il y a aussi l’enjeu du contenant. Les commerces se demandent quel système mettre en place pour ne pas trop chambouler les consommateurs dans leurs habitudes. Le système de consigne devra être déployé à grande échelle avant qu’il ne devienne efficace et viable.
Et enfin, il y a les normes sanitaires. Le vrac nécessite des conditions d’hygiène et de sécurité irréprochables, d’où des contraintes pour l’aménagement de l’espace, l’entretien et le remplissage des bacs, le stockage…
Les commerces le savent, cette mutation va nécessiter de la réflexion et d’importants investissements… Mais une fois qu’ils auront testé le vrac, ils ne pourront plus s’en passer ! Qui met la main dans le sac (en plastique), perd sa place !
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