On le sait, l’abus de vêtements est mauvais pour la planète, surtout s’ils proviennent de la fast fashion, cette mode éclair et de mauvaise qualité. Selon l'Agence de la transition écologique (Ademe), la production de vêtements a doublé dans le monde entre 2000 et 2014 et émet 4 milliards de tonnes de CO2 equivalent par an ! Pourtant, même en limitant ses achats, il existe parfois de bonnes raisons de se débarrasser d’anciens vêtements : trop petits, trop tachés, inadaptés à notre mode de vie ou encore vraiment trop usés.
Si les vêtements en bon état peuvent toujours être vendus ou donnés dans son entourage ou sur internet, certains ne trouvent pas preneurs. Pour ces vieilles fripes, c’est souvent direction la benne de collecte…avec parfois quelques doutes sur la destination finale ! Est-ce vraiment utile et écolo de donner ses vêtements usagés ? Seront-ils vraiment utilisés ? Dans cet article, Le Kaba répond aux a priori que l’on a parfois sur les collectes de vêtements.
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« Il est inutile de donner des vêtements trop usagés ou démodés »
FAUX
Il est bien préférable de déposer ses vêtements - même très usagés - dans les bornes de collecte, plutôt que de les jeter aux ordures ménagères. Ce n’est malheureusement pas encore un réflexe pour tout le monde : en 2022, 260 000 tonnes de textiles ont été collectées en France...contre plus de 800 000 tonnes mises sur le marché. 61 % des Français continuent à utiliser la poubelle pour se débarrasser de leurs vieux textiles !
Deux conditions indispensables pour les déposer dans des bornes de collecte : qu’ils soient secs et propres. Les articles déposés mouillés, ou même juste humides, risquent de générer de la moisissure et de contaminer tout le conteneur, ce qui rend alors impossible leur valorisation.
Vous sortez de gros travaux ? Vos textiles et chaussures enduits de peinture doivent malheureusement être jetés avec les déchets non recyclables. En revanche, un vêtement lavé mais démodé, troué, voire avec des taches « propres », peut être déposé dans l’une des 47 000 points d’apport volontaire, comme les conteneurs du Relais, par exemple. Regroupez vos textiles dans de petits sacs fermés de 50 litres maximum (vêtements, linge de maison non rembourré, petite maroquinerie, chaussures). Les chaussures doivent être attachées par paires et si possible séparées du textile.
Retrouvez sur cette carte tous les points de collecte disponibles en France.
« LES VÊTEMENTS MIS DANS LES BENNES DE COLLECTE BÉNÉFICIENT À DES PERSONNES DANS LE BESOIN »
INDIRECTEMENT VRAI
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Il est vrai que les points de collecte sont majoritairement gérés par des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Le Relais, en particulier, est un réseau d’entreprises d’insertion, membre d’Emmaüs France et de l’Inter Réseaux de la Fibre Solidaire (IRFS). Il participe donc au retour à l’emploi des personnes en difficulté. Concrètement, ces dernières trient les vêtements collectés. Ceux en bon état peuvent ainsi directement approvisionner les vestiaires de l'association partenaire de la collecte, mais ce n’est le cas que d’une minorité.
Selon Refashion l’éco-organisme d’Etat en charge du textile, en 2022, 59 % des dons ont été revendus en seconde main, dont 95 % à l’étranger. Les vêtements non réutilisables servent à la fabrication d’autres produits (voir ci-dessous). Les revenus générés par ces ventes permettent à la plateforme de financer d’autres projets liés au logement, l’éducation, etc.
Si vos vêtements sont vraiment en bon état et que vous souhaitez vous assurer de leur destination, vous pouvez les donner directement à la Croix Rouge, Emmaüs, au Secours Catholique, etc. Contactez leurs antennes locales pour connaître leurs besoins réels. Vos vêtements pourront alors être distribués aux bénéficiaires de ces associations ou revendus dans les boutiques solidaires. Vous partez en retraite après une vie professionnelle bien remplie ? Et si vos costumes, tailleurs, chemises, retournaient, eux, au boulot ? Grâce à l’intermédiaire de La cravate solidaire, ils aideront peut-être une personne à soigner son image et à décrocher un emploi ! Quant à l’entreprise Les chaussettes orphelines, elle récupère les chaussettes trouées ou dépareillées pour en fabriquer de nouvelles !
« AVEC LES VIEUX VÊTEMENTS DONNÉS, ON PEUT EN FABRIQUER DE NOUVEAUX »
GLOBALEMENT FAUX (OU RAREMENT VRAI !)
Les processus de recyclage sont complexes et génèrent une forte perte de valeur des matériaux. Actuellement, un vêtement qui n’est plus utilisable n’est pas recyclé en un autre vêtement mais sera transformé en produit à valeur moindre. Les vêtements comportant des matières synthétiques, comme le polyester, sont les plus difficilement recyclables. Seuls quelques matières naturelles peuvent être recyclées en boucle fermée : la laine et le coton peuvent parfois être réutilisés grâce à des procédés très particuliers. La marque française Ubac opte ainsi pour ces matières recyclées pour fabriquer des chaussures durables et vraiment responsables ! Idem pour les Les chaussettes orphelines citées précédemment.
Pour autant, ce recyclage reste confidentiel. Même si la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) de 2020 enjoint les fabricants à travailler sur l’écoconception des vêtements, on voit bien que la seule solution pour réduire l’empreinte environnementale de la mode est de produire moins et mieux. Quant à nous, consommateurs, optons pour de la qualité, mais aussi de la seconde main, de la location ou encore des vêtements consignés !
Si les vêtements ne sont pas réutilisables, selon leurs matières, ils sont broyés, découpés ou effilochés pour fabriquer de nouveaux produits. 31 % des dépôts de textiles français servent ainsi à fabriquer des chiffons pour l’industrie, des isolants pour les bâtiments, etc. Pour autant, les produits issus du recyclage ne pourront pas être de nouveau recyclés et finiront un jour en déchets !
« LES VÊTEMENTS TRIÉS PARTENT À L’ÉTRANGER ET TERMINENT DANS LA MER (OU DANS LE DÉSERT) »
EN PARTIE VRAI
Comme vu ci-dessus, 95 % des vêtements considérés en bon état sont revendus à l’étranger. Selon Refashion, en 2022, le premier pays bénéficiaire des exportations de vêtements français de seconde main était le Pakistan, suivi par la Tunisie et la Belgique. L’Afrique prise dans sa globalité est le premier continent d’exportation des fripes françaises (35 % du total). Viennent ensuite l’Europe (31 %) et l’Asie (24 %). Les fripes à destination des pays africains sont envoyées par lots et rachetées pour revente au détail sur les marchés locaux. C’est alors que nous les perdons généralement de vue.
Des enquêtes journalistiques récentes ont néanmoins retrouvé leurs traces et ce n’est pas glorieux : loin de servir aux personnes en difficulté ou d’habiller des enfants orphelins, comme le souhaiteraient nos bonnes consciences, ces vêtements feraient plus de mal que de bien. Ils étouffent ainsi l’économie traditionnelle de la mode, ne correspondent pas aux besoins locaux et sont de si piètre qualité qu’ils sont parfois invendables. C’est particulièrement vrai au Ghana où le marché de Kantamanto à Accra, la capitale du pays, est considéré comme la poubelle des textiles du monde. En effet, sur l’ensemble des habits usagés envoyés au Ghana, près de 40 % terminent jetés dans la mer. Même si la France exporte peu au Ghana (587 tonnes « seulement » en 2022), on sait qu’il se passe la même chose au Kenya mais aussi au Chili et probablement dans bien d’autres pays du monde qui étouffent sous nos fringues low cost !
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Il existe donc une réelle urgence à travailler, en amont, sur l’éco-conception des vêtements, leur qualité ainsi qu’à une filière européenne complète du recyclage textile. Même s’il ne faut pas renoncer à déposer nos vêtements en benne, pour pallier les failles actuelles du système, nous devons plus que jamais veiller à acheter peu et autant que possible des matières naturelles, bio et labellisées. Pour vous y aider, retrouvez sur notre site tous nos conseils et les marques réellement engagées !