Comprendre le changement climatique en 3h, c’est la promesse (ambitieuse) de La Fresque du Climat. Cette association, créée il y a 3 ans pour sensibiliser un maximum de citoyens et citoyennes au changement climatique, a déjà permis à 300.000 personnes de mieux appréhender les enjeux. Mais les “Fresqueurs”, comme on les appelle, ne comptent pas s’arrêter là. Objectif : 1 million de participants d’ici la fin de l’année !
Livio Lumbroso, directeur général de La Fresque du Climat, nous explique pourquoi il est indispensable de partager “une langue commune” autour du climat.
©Fresque du Climat
“Fresqueur” de la première heure, Livio Lumbroso est devenu en mai dernier le directeur général de l’association Fresque du Climat. Pour le Kaba, il revient sur la genèse du projet lancé par Cédric Ringenbach et son ambition : expliquer les enjeux climatiques à tous les Français et Françaises (ou presque).
Le Kaba : La Fresque du Climat est née en 2015. Comment est-ce que cet atelier pédagogique a vu le jour ?
Livio Lumbroso : À l’origine de la Fresque du Climat, il y a un ingénieur : Cédric Ringenbach. En 2015, ce spécialiste du changement climatique (qui a aussi dirigé The Shift Project de 2010 à 2016, ndlr) donnait des cours sur les enjeux climatiques dans des grandes écoles. Pour mieux montrer le côté systémique des questions climatiques, il a ressenti le besoin de créer un outil pédagogique et ludique. Il a commencé à élaborer ce qui deviendra la Fresque, il a vu que ça “prenait” bien avec les étudiants. Il a donc poussé l’idée et amélioré le format, avant de le tester sur de plus en plus de publics différents.
En 2018, Cédric Ringenbach a créé l’association Fresque du Climat avec un objectif : essaimer le plus vite possible, grâce aux animateurs bénévoles, pour permettre à un maximum de personnes de vivre cette Fresque et de mieux comprendre les enjeux climatiques.
Le Kaba : Concrètement, comment se passe une Fresque ? Qu’est-ce qu’on y apprend ?
Livio Lumbroso : Le cœur du protocole, c'est l'intelligence collective. Par groupe de 6/8 personnes, autour d’une grande table, les participants vont disposer eux-mêmes des cartes qui représentent autant de causes et de conséquences des changements climatiques.
Toutes les données sont tirées d’une base scientifique de référence : les rapports du GIEC, ceux-là même qui orientent les choix des décideurs politiques et économiques.
En se mettant en posture d’échanges, en additionnant leurs connaissances et leurs intuitions, ils vont découvrir la complexité du système climatique et des dérèglements.
Ce qui fait la force de la Fresque, c’est le côté ludique, mais aussi l'électrochoc qu’il envoie ! En comprenant mieux le système climatique, on prend aussi conscience de la gravité des enjeux.
Le Kaba : Qui peut participer à une Fresque ? On aborde des notions très compliquées, est-ce vraiment accessible à tous ?
Livio Lumbroso : C’est justement la promesse de la Fresque : faire tenir toute cette complexité en 3h. Donner les clés à ceux qui veulent agir pour le climat mais qui n’ont pas le temps de devenir climatologue !
Donc oui, tout le monde peut participer. Je voudrais aussi insister sur le fait que, au-delà des connaissances, on “vit” vraiment quelque chose pendant ces 3h. C’est une expérience marquante, autant pour le déclic qu’elle crée chez beaucoup, que pour la méthode d’animation qui permet à chacun de trouver sa place. C’est d’ailleurs pour cela que le bouche à oreille fonctionne. La Fresque, c’est un “game changer” pour une grande partie des participants.
Le Kaba : Certains décident d’ailleurs de poursuivre l’expérience en dispensant à leur tour des Fresques. Comment fait-on pour devenir animateur ?
Livio Lumbroso : C’est très simple, il suffit de s’inscrire pour une formation spéciale de 2 à 3h environ, pour bien comprendre les modalités d’animation. Ensuite, vous pouvez animer des ateliers pour votre famille, vos amis,… Nous formons aussi des salariés en entreprise pour qu’ils sensibilisent à leur tour leurs collègues.
©Béatrice Ringenbach
Le Kaba : Au moment de la création de l’association, l’objectif fixé était de 1 million de personnes sensibilisées. Où en est-on ?
Livio Lumbroso : Plus de 300 000 ont été comptabilisées comme “sensibilisées”, mais il y en a beaucoup plus, puisque chacun peut devenir “Fresqueur” et animer à son tour des Fresques dans son entourage.
Le chiffre de 1 million est un symbole. Mais notre message va plus loin encore : le degré d’urgence est tel que tout le monde devrait comprendre les outils climatiques, pas juste un million de personnes.
Quel que soit le compartiment de nos vies, les questions climatiques vont s’imposer dans les prochaines années. Si on comprend les enjeux, on sera mieux armé pour y faire face. Comprendre les sciences du climat, c’est aussi important que de savoir lire ou compter.
Quand on s’intéresse au changement climatique, on comprend vite qu’il n’y a pas de bouton magique pour tout arrêter. Agir, c’est actionner une multitude de leviers, à tous les niveaux. Si on veut y parvenir, mieux vaut parler le même langage. C’est ce que nous offre la Fresque : un vocabulaire commun pour pouvoir parler ensemble.
Le Kaba : Est-ce que le plus important ne serait pas que les dirigeants politiques et les chefs d’entreprise soient formés ? Ce sont surtout eux qui ont notre avenir entre leurs mains.
Livio Lumbroso : OUI et NON. Effectivement, ils ont plus de leviers d’action. Mais reste que les décideurs politiques prennent leur décision en fonction de leur électorat et les entreprises en fonction de leurs clients. Donc si les individus évoluent, ils évolueront. Il faut bien commencer quelque part et les décideurs ne peuvent pas agir seuls.
Tu le disais, la Fresque est un électrochoc. Elle se termine d’ailleurs par un temps d’échange où chacun partage son ressenti, ses émotions. On entend souvent les participants dire qu’ils se sentent “dépassés”, “impuissants”, “désarmés”. Que réponds-tu à cela ?
Livio Lumbroso : Que l’action est le meilleur médicament face au sentiment d’impuissance.
Personne n’a la capacité de régler le problème climatique seul. Mais ce n’est pas la même chose de se sentir endetté par rapport à la planète à hauteur de 500 ou de 10 000. Agir à son échelle et réduire son empreinte carbone individuelle, c’est déjà une façon d’agir.
Et c’est tout l’enjeu du site Le Kaba ! Vous aider à identifier ce qui compose votre empreinte carbone et vous proposer des alternatives pour la réduire, en adoptant des gestes verts et une consommation plus sobre.
Plus d’informations
- Le site de la Fresque du Climat : https://fresqueduclimat.org/
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