Sur les 10 tonnes de CO2 produites en moyenne par chaque Français(e) chaque année, 2 tonnes correspondent aux émissions de gaz à effet de serre de nos trajets en voiture1. Pourtant, 60% de ces déplacements font moins de 5 km2, des distances que l’on pourrait parcourir en vélo, en transports en commun ou même à pied.
Si ces alternatives commencent à s’implanter dans les grandes agglomérations, l’affaire est plus compliquée dans les zones rurales ou les petites villes, moins riches en infrastructures. Comment contourner l’obstacle et réinventer sa mobilité pour laisser la voiture au garage ? Quelques éléments de réponse et témoignages.
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Il suffit de regarder l’empreinte carbone d’un parisien et d’un lorientais pour le constater : la part des transports, et notamment de la voiture, est nettement plus importante pour les habitants de province. Selon le baromètre Carbo3 qui mesure l’empreinte carbone par région, le transport représente 34% des émissions des Bretons, ou 33% de celles des habitants des Hauts-de-France, contre 26% en Ile-de-France.
Ayant récemment quitté la région parisienne pour la Bretagne, j’en ai moi-même fait le constat : transports en commun quasi inexistants, voies cyclables rares et souvent dangereuses, distances beaucoup plus grandes… la voiture est vite devenue incontournable pour notre famille. Une voiture, oui. Deux, non, sûrement pas. Mais avec 3 enfants et de nombreux déplacements, cela requiert pas mal d’organisation. Comment se passer de voiture (ou au moins d’une 2e voiture) en province ? Témoignages et propositions d’alternatives, en mode mobilités douces !
Le choix des transports en commun : chronophage certes, mais écologique et économique
Commençons par la base. Pour tous les trajets courts, la solution la plus économique (même 100% gratuite !) et écologique est aussi un atout pour votre santé : la marche à pied. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande aux adultes de pratiquer une activité physique d’intensité modérée pendant au moins 150 minutes par semaine, soit 30 minutes du lundi au vendredi.
Emmener les enfants à l’école à pied, matin et soir, aller faire les courses ou se rendre à la bibliothèque en marchant, permet d’y parvenir sans difficulté. À partir de 4 ou 5 ans, les enfants sont tout à fait capables de tenir la distance. La difficulté principale réside plutôt dans le fait de prévoir un peu plus de temps pour ces trajets et de sortir du “réflexe voiture”. Une façon de se motiver ? Se rappeler que marcher, c’est aussi faire du sport et que c’est excellent pour évacuer le stress. Enfin, avec les enfants, la marche offre un moment privilégié pour discuter, raconter sa journée d'école,…
L’autre option pour laisser la voiture au garage, ce sont bien sûr les transports en commun. Dans les grandes agglomérations, métros, bus, tramways permettent de couvrir une grande partie des trajets quotidiens sans avoir besoin de sortir la voiture. C’est nettement moins évident dans les zones rurales et les petites villes.
Dans ma commune de 15 000 habitants, nous avons 2 lignes de bus seulement et les passages ne sont pas très fréquents. Heureusement, elles desservent les lieux importants : collège, centre-ville, médiathèque,...
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“Le matin, les horaires sont parfaits pour arriver au collège à l’heure et j’aime bien retrouver mes copines dans le bus” témoigne Gabrielle, 14 ans. “Mais en sortant de cours, je dois attendre le bus 50 minutes. La solution que nous avons trouvée avec mes parents, c’est que je m’installe dans le café d’à côté et je commence mes devoirs”.
Pour la famille de Gabrielle, il a donc fallu un peu d’organisation pour que l’option transports en commun se substitue à un aller-retour en voiture des parents à la sortie du collège. Mais si on fait la simulation sur le module Mon Impact Transport de l’Ademe, on peut constater que ces efforts ont leur importance ! Les 10 km aller-retour en voiture pour aller chercher Gabrielle correspondent à 2 kg d’équivalent CO2 chaque jour, soit 364 kg sur une année scolaire. En bus, c’est deux fois moins !
Mieux encore, aux beaux jours, Gabrielle rentre en vélo et l’impact carbone de ses trajets passe à zéro.
Vélo cargo , l’alternative des familles pour remplacer la 2e voiture
Comme Gabrielle, de plus en plus de Français(e) adoptent le vélo pour leurs déplacements quotidiens4. Plus rapide que la marche à pied, on retrouve le sentiment de liberté et le côté sportif, tout en augmentant les distances parcourues.
Le vélo électrique, en plein essor (+30% en 2021 post-Covid5), est le moyen de transport qui remplace la voiture dans de plus en plus de foyers.
“Mon mari a besoin de la voiture pour aller travailler, raconte Julie, mère de 3 enfants, vivant à Angers. De mon côté, le trajet en transports en commun est vraiment trop long et complexe, j’ai donc acheté un vélo électrique pour aller au bureau. Cela me facilite la vie, et nous a évité l’achat d’une deuxième voiture”.
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Le VAE (vélo à assistance électrique) est donc parfait pour se rendre au travail, mais comment faire pour déposer les enfants à l’école avant de filer au bureau ? La réponse, c’est le vélo cargo ! Ces vélos spécialement conçus pour transporter des passagers (mais aussi les courses, les cartables, les sacs de sport de toute la famille…) offrent une alternative écologique et économique à la voiture.
C’est le choix que nous avons fait en nous installant en Bretagne pour limiter le recours à la voiture. Dépose des enfants à l’école, virée au marché, sorties à la plage avec bouées et planches,... tout ce qui n’est pas possible avec un vélo classique le devient avec un vélo cargo. La capacité de charge est importante (100 kg en plus du passager), grâce à l’assistance électrique, les trajets sont rapides et aucun problème pour se garer. En bonus, les enfants adorent se promener dans leur “charrette” et saluer les passants amusés par notre convoi.
La seule difficulté, c’est d’avoir un endroit où le garer car l’engin est assez encombrant. Mais des alternatives se développent, notamment le vélo dit “longtail” qui permet d’installer 2 ou 3 enfants à l’arrière de ces vélos “allongés” mais pas plus large qu’un vélo classique.
C’était le choix de Blandine, qui vit dans les Bouches du Rhône : “Je ne voulais plus prendre la voiture systématiquement pour déposer les enfants au judo, à l’école ou autre. Sauf que j’habite en haut d’une côte… donc le vélo mécanique, c’est mission impossible ! Mes enfants étant trop grands pour le vélo cargo, j’ai finalement choisi un “fat bike”, une sorte de vélo électrique 2 places, moins long qu’un vrai longtail, mais suffisant pour avoir un enfant ou un ado derrière moi sur ces petits trajets du quotidien. J’ai un grand panier devant pour mettre les courses. Plus besoin de deuxième voiture, ce vélo nous a changé le quotidien !”
Comment transporter ses enfants en vélo ? Nos conseils
Le co-voiturage : partager les trajets pour réduire son impact
Soutenu par les politiques publiques et le soutien financier des entreprises, le covoiturage se développe pour les déplacements domicile-travail et pour les trajets occasionnels, pour les week-end ou les vacances. C’est en effet un moyen efficace pour diviser les frais de transport en même temps que l’impact carbone du trajet.
“J’ai de temps en temps des déplacements en régions pour mon travail, explique Anne-Claire, je m’y rends toujours en train et sur place, plutôt que de louer une voiture, je cherche des co-voiturages. Je trouve presque toujours. Non seulement, c'est économique et écologique, mais ça me rassure aussi d’être véhiculée par quelqu’un du coin”.
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Le co-voiturage en famille, lui, prend une autre forme. Pas de passager sur les longs trajets de vacances car la voiture est déjà pleine, mais une multitude de petits co-voiturages tout au long de la semaine, notamment pour les activités extra-scolaires. Pourquoi déplacer 4 voitures (et donc 4 parents) pour emmener une bande de copains au tennis le mercredi ? Co-voiturer, c’est grouper les trajets, réduire ainsi le nombre de véhicules sur les routes… et alléger le planning du mercredi ! C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à proposer du co-voiturage à l’école ou dans les clubs sportifs, voire à afficher un planning où chacun s’inscrit sur un créneau en indiquant le nombre de places disponibles dans sa voiture.
Le co-voiturage, comment s’y mettre ?
Et pour les vacances, on fait comment sans voiture ?
Autant un billet de train peut s’avérer plus économique que de faire une longue distance seul(e) en voiture, mais avec 5 billets de train, c’est difficile de concurrencer la voiture. Malheureusement, même avec 5 personnes à bord, un trajet de 500 km en voiture thermique émettra plus de 100 kg de CO2, soit 20 kg par personne… contre 0,3 kg en train (simulateur Mon Impact Transport). Le train, oui c’est cher, mais c’est tellement plus écologique.
Pour faire baisser la facture, trois conseils : anticiper et prendre des billets ‘prems’ à prix cassé, demander la carte famille nombreuse si vous avez 3 enfants ou plus, investir dans une carte de réduction SNCF ouvrant à des réductions pour les billets enfants (pour les voyageurs réguliers).
Au-delà du prix, l’inconvénient du train souvent soulevé par les familles, c’est celui de l’arrivée : si son lieu de séjour est loin de la gare, comment s’y rendre ? Faut-il louer une voiture ? Où trouver des sièges auto pour les enfants ? Etc.
Une option pratique et économique pour les vacances et les escapades en famille existe : le partage de voiture entre particuliers, avec Getaround par exemple. Les prix sont plus abordables que ceux des loueurs professionnels et c’est un bel exemple d’économie d’usage : ceux qui ont une ou deux voitures les mettent à disposition temporaire de ceux qui n’en ont pas.
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En conclusion, pour réussir à se passer d'une deuxième voiture en famille, la clé, c’est la planification ! Regrouper les courses et les activités autant que possible pour faire d’une pierre deux coups, anticiper la compétition de gym pour avoir le temps d’organiser un partage des trajets avec les autres parents, prendre un peu de marge pour les trajets à pied avec les enfants (parfois récalcitrants…) sont des réflexes à acquérir, car un déplacement en mobilité douce sera presque toujours (un peu) plus long qu’en voiture.
Mais ces quelques efforts seront largement récompensés par les effets bénéfiques pour votre santé, votre portefeuille et l’environnement.
1. Carbone 4
2. Etude INSEE 2021
3. La carte de France de l’empreinte carbone par région 2021 - Carbo
4. Etude INSEE
5. Chiffres de l’Union Sport & Cycle